Moi, toi et tous les autres.

Mais, plus personne ne va au cinéma ?
Il n’y a plus de critiques ciné depuis des semaines … bein alors ?

Bon, avec mon grand ancien préféré, nous sommes allés voir le premier film Miranda July "Moi, toi et tous les autres"
Apres des craintes sur une tentative "œuvre" d’art vidéo, j’ai trouvé au final un film étrange (elle reste une plasticienne), avec un postulat triste (misère sexuelle, pb de communications, le pb du plaisir …) mais plein d’espoir.

Son propos pourrait être qu’il suffit de changer de regard pour changer la réalité. L’amour en est peut être un ? (à contrario du désert affectif des personnages.) la folie, la névrose, la mort ou la solitude en sont peut être d’autres ? Toutefois, la composition picturale et graphique de certains plans et certaines actions (les scénes autour de la vidéo) dévoile sa qualité de plasticienne, en fait un film "étrange".

Il ne restera probablement pas longtemps en salle, alors si vous avez une carte ou des sous à investir dans l'industrie du cinéma ...

Moi, je passe ma vie au cinéma - tu dois le savoir...

J'ai voulu aller ce Mercredi voir ce "moi, toi..." tant vanté par MK2 que j'y suis déjà pratiquement acquis, mais finalement je me suis décidé pour le terrible "Keane".

Pour faire court : le père - en situation ultraprécaire - d'une petite fille enlevée à cause, notamment, d'une inattention de sa part reporte son espoir et son affection ( et sa schyzophrénie ) sur la petite d'une voisine d'hôtel. Dit comme ça ça fait totalement bateau, mais le film est remarquable. Filmé caméra à l'épaule par un cinéaste des classes basses de la société ( Lodge Kerrigan ), il est surtout porté par un acteur si extraordinaire qu'il finit par éclipser toute autre considération du film. Le nom de ce monsieur est Damian Lewis, et il parvient à rendre crédible ce personnage partagé entre une schyzophrénie désespérée et une tendresse démesurée.
Le film recelle de vrais et beaux moments de tendresse, et la dernière partie est porteuse d'une telle tension que je n'avais pas ressenti ça depuis "Requiem for a Dream".

Et puis j'ai vu aussi, parmi les DVDs restés longtemps chez moi et oubliés, la "Chute de la maison Usher" par Jean Epstein et Bunuel, excusez du peu. C'est fabuleusement envoutant, subtil, poétique, graphiquement somptueux et musicalement abouti. Une vraie révélation. Hélas, je ne suis pas vraiment d'accord avec l'adaptation de la nouvelle de Poe - et notamment l'absence de cette magnifique description finale où le château Usher plonge dans les eaux saumâtres d'un lac à ses pieds. Mais je suppose qu'on ne peut pas tout avoir. J'ai même préféré à la version de Roger Corman avec le pourtant remarquable Vincent Price, Prince des acteurs.

T.d.C.

tetedechat a écrit:

Le film recelle de vrais et beaux moments de tendresse, et la dernière partie est porteuse d'une telle tension que je n'avais pas ressenti ça depuis "Requiem for a Dream".

A ce point là !?
je vais tenter de convaincre le grand ancien ...

Attention, post ennuyeux.

Bon, finalement, je l’ai vu.
Je dois avouer ma surprise quant à l’absence quasi complète de musique dans ce film quand la B.A. est remarquablement bien rythmée et laisse présager du film-à-B.O. Ma foi, tant mieux. Qui a besoin de musique pour appuyer son film est malhonnête, quelque part, souvent.

« Moi, toi… » est donc, globalement, un film très silencieux, et qui fonctionne selon le principe, décidément très en vogue, du film choral. Heureusement, cette fois-ci ne nous est pas assénée la ville de Los Angeles, mais une sorte de ville à la Lynch ( « Mulholland Drive » ou « Blue Velvet » ), dont on ne voit finalement qu’un ensemble de flats miteux, un grand magasin et quelques rues anonymes. Le rêve américain, côté cour.
Tous les - nombreux – protagonistes y mènent une existence creuse et sans espoir exprimé, que d’aucun appellent le quotidien, et se croisent lors de saynètes qui ne laissent rien au hasard, contrairement aux codes du film choral ( le lacrymal « Collision » en tête ). Ici, il est à mes yeux question de conte de fées, et de personnages qui finalement décident d’oser quelque chose, qui va changer leur vie d’une façon plus ou moins directe, et ce quelque chose le plus radical est bien sûr de se décider à risquer d’aimer. J’ai personnellement trouvé très touchant le parcours qui doit lier les deux personnages « principaux », dans la splendide scène de la rue de l’Icepark, et surtout dans la scène qui clôt et commence en même temps toute l’histoire.

Mais un autre discours est discernable dans ce film : celui sur l’art. La principale protagoniste, qui est aussi la réalisatrice, se dépeint – dans une mise en abyme qui heureusement évite les écueils nombrilistes de cet exercice de style – sous les traits d’une artiste vidéo qui cherche à exprimer son talent aux yeux du monde, et dont on nous dit, littéralement dans le film, que l’on doit considérer en tant que quelque chose qui nous parle du dernier art en date, le virtuel, et comprendre comment ses œuvres – et donc le film lui-même – nous parle de ce nouvel art, l’exploite et le renouvelle. Personnellement, j’établirai, à l’intention de Kamu-le-Lapin et d’Ange_ds-le-Sushi-vert, les seuls à avoir vu le film, le parallèle suivant : la scène finale nous montre le petit garçon qui est parvenu à maîtriser le passage du temps, symbolisé par le soleil. A rapprocher cette séquence et la référence faite aux accomplissements des antiques civilisations guatémaltèques, je dirais qu’à la fin, la boucle est donc bouclée, et les « pouvoirs » antiques détenus sur le soleil sont revenus à l’homme, d’une façon totalement moderne. Ce que nous apprend donc ce film-essai, est qu’artistiquement parlant également le cycle est accompli, et que l’art virtuel, et le cinéma a-scénaristique, sont aussi dignes de considération que les arts « classiques ».

Je vois donc, ici, également un manifeste pour un cinéma d’auteur décomplexé et digne, ainsi qu’un vibrant plaidoyer pour un bon usage de la fantaisie et du rêve dans un monde qui les exclut toujours plus.
Finalement, cela revient au même, dans un sens.

Donc, s’il vous prend l’envie de vous laisser porter par ces tranches de vie douces, amères, mais très belles, dans un film exigeant, mais gratifiant, n’hésitez pas.

T.d.C.

P.S. : sinon, n’oubliez pas, allez voir « Godzilla Final Wars ».